
Gaston vivait dans un petit appartement à Paris, il menait sa vie paisible de toiletteur de loutre. Comme chaque matin, il se réveilla avec les cheveux en pétard, enfila ses chaussons en forme de vache, marcha approximativement jusqu’à sa porte tout en se prenant la poutre au-dessus du lit. Il maudit la terre entière puis son ventre gargouilla à 6h53 précise. Ses gargouillis sont si ponctuels qu’ils servent de réveil à madame Pissenlit, sa voisine de palier. Il continua sa routine. Il prit sa tartine de confiture de goyave, leva la jambe, lâcha une petite flatulence et rigola tout seul pendant 11 minutes de sa plaisanterie sonore. La journée s’annonçait une nouvelle fois plaisante.
Il partit vers son salon de toilettage et se rendit compte qu’il avait son caleçon de la veille coincé dans une jambe de son pantalon. Il le glissa discrètement sur la tête d’une vieille dame au hasard dans la rue. Elle lui cria « BRIGAND », il se pressa vite de déguerpir. Cette mésaventure l’avait retardé et il dut se presser d’arriver en salon. Il se lança dans une série de roulade avant et atteint le salon cinq minutes avant le premier rendez-vous. Une affaire rondement menée et il put accueillir son premier client. Il s’agissait de monsieur Petrou, un régulier. « Meuuuuuh » dit sa loutre. Gaston lui fit remarquer qu’il s’agissait d’une vache, mais monsieur Petrou n’en fit une nouvelle fois qu’à sa tête. Il avait déjà ramené une chèvre, un chat, un lapin, une antilope, un ocelot, une baleine à bosse et un clafoutis les semaines précédentes. Gaston soupira mais toiletta quand même la vache. Après tout c’est mignon une vache. C’est grand, avec une barbichette, les cheveux gris et des jolies fesses bombées. Gaston se rendit compte qu’il était en train de laver monsieur Petrou accidentellement. Décidément, il était bien étourdi aujourd’hui. Il finit par toiletter le grand bovidé et le reste de la journée se déroula sans plus d’accroc, du moins jusqu’au dernier client.
Un homme en imperméable rose flashy rentra et sortit sa loutre de sa manche. « C’est pour laver Myriam » dit-il d’un air grave. Gaston s’exécuta. Myriam avait un pelage soyeux, il avait rarement vu ça. Son travail n’avait jamais été aussi facile et amusant. Elle était joueuse et aimait les gratouilles. Il ne vit pas le temps passé et passa six heures à jouer avec Myriam. C’est alors que son bras devint très poilu. Son corps tout entier gagna en pilosité et en une poignée de minutes, il fut transformé en loutre. L’homme à l’imper’ ricana : « C’est ça de mettre des slips sur la tête des vieilles et ne rien prendre au sérieux, vis une belle vie de loutre maintenant ! ». Myriam se transforma en la vieille dame croisée dans la rue qui le regarda d’un air satisfait. Gaston se prit la tête entre les pattes et se demanda ce qu’il allait devenir. Mais il se reprit vite, il en faut plus pour l’arrêter.
Bien que dans une situation compliquée, sa faculté impressionnante à trouver des nouvelles bêtises à faire lui permettait de toujours rester positif. Il décida alors de monter un gang de loutres. Il réunit toutes les loutres de la capitale, puis de France, puis d’Europe. Ils semaient la terreur dans les rues et volaient les slips des passants. Jamais Gaston n’arrêterait les blagues, jamais il ne perdrait sa bonne humeur, et il était bien déterminé à le faire savoir. Le gang passa aux journaux télévisés du monde entier et faisait rire petits et grands.
Cette nouvelle vie n’était pas si mal après tout, même si la nostalgie d’une poutre de bon matin lui venait de temps en temps. Un jour, il croisa l’homme à l’imperméable. Il était bien différent. Il avait l’air exténué, à bout de force. « C’est bon, je n’en peux plus, tu as gagné. Je vais te retransformer en humain. Je ne sais pas comment tu fais pour être encore plus insupportable en loutre mais j’abdique » dit-il essoufflé. Gaston lui répondit sobrement : « Il est vrai que je suis un enfant dans ma tête monsieur, mais je fais mon métier avec beaucoup de professionnalisme. Même si c’est souvent maladroit, j’essaye d’apporter un peu de bonne humeur aux gens et à moi-même avec mes plaisanteries. Bon, je vous ferais la fleur de ne plus me servir de slips comme d’armes, mais faites-moi le plaisir de tirer sur mon doigt. »
L’homme tira précautionneusement et un gaz s’échappa de Gaston. Il sourit et salua poliment le toiletteur. Gaston rentra chez lui après ses palpitantes aventures. Il fit un peu de ménage et alla dormir dans son lit douillet… « AIE, PUTAIN DE POUTRE ».